"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 2 novembre 2008

Soglitude des pauvres


Jour des morts, et temps de chien à noyer, plus que le chagrin des vivants, les chrysanthèmes qu'ils ont abandonnés hier dans des cimetières presque marins. Je pense à nos pauvres, chiens battus et mouillés de la vie, dont le nombre a crû sans que nous ne puissions le croire. C’est qu’on ne les voit guère, et il aura fallu une enquête pour me faire admettre qu’un quart de mes administrés vivent sous le seuil de la pauvreté. Christine Lagarde m’a rassuré, à qui j’ai confié mon inquiétude. Elle me conseille de communiquer sur l’écrasante majorité des habitants - 75% ! - qui sont au-dessus de ce seuil fatidique. Ce n’est pas faux, et je retiens aussi sa suggestion de parler de plan "chaleur retrouvée" plutôt que de plan "grand froid". Cette femme intelligente a raison, voyez-vous : il est inutile d’effrayer les pauvres avec des formules humiliantes et définitives, qui souvent ne font pas sens pour eux.


Ainsi du seuil de pauvreté. Quels pauvres, je le demande, sont en mesure de comprendre le sens d’une expression aussi absconse ? Même si la plupart sont au chômage, combien se lèvent le matin pour aller battre la semelle devant l’ANPE ? Cette semelle qui les renverrait pourtant au latin "solum", d’où nous est venu le seuil, par l’italien "soglio". J’en entends déjà me rétorquer méchamment que cela leur ferait une belle jambe, quand la misère leur colle aux semelles comme une gomme mâchée. Certes, mais mon propos est d’en venir à Tanja Barazon, docteure en philosophie de la Sorbonne, actuellement à la recherche de contributeurs prêts à méditer sur le concept de seuil, pour une revue scientifique* de l’université Laval de Québec, dans une livraison qui s’intitulera "Soglitude", en écho à "soglio" et à la solitude humaine. J’encourage vivement les visiteurs de ce blogue se trouvant au-dessous du seuil de pauvreté à contacter cette universitaire, pour lui exposer les joies et les peines de leur soglitude personnelle. Soyons francs: ils découvriront au passage que l’activité intellectuelle est aussi un moyen de se réchauffer, en préservant sa santé mentale, aussi essentielle à la santé physique, croyez-moi, que cinq fruits et légumes par jour.


Soglitude… Je ne sais pourquoi ce néologisme sympathique me renvoie à Royal de Luxe, cette brillante troupe nantaise qui vient de se produire à la base sous-marine avec "Le cauchemar de Toni Travolta", une comédie musicale drolatique et burlesque. Il reste encore deux représentations, lundi et mardi : l’occasion pour nos pauvres, s’ils acceptent de faire un peu la queue sous la pluie, de se remplir à l’œil le boyau de la rigolade !


P.S. Notre chère Marie-Agnès qui, attirée par Denise, vient de relire ces lignes, m’assure avec enthousiasme, et non sans humour, que le parti socialiste sera bientôt repris par Royal de Luxe, alors que le maire de Nantes roule pour celui de Paris. C’est à n’y rien comprendre, mais qu’importe, quand le premier socialiste de France est de toute façon déjà à l’Elysée…

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* Conserveries Mémorielles, revue interdisciplinaire de la chaire de recherche du Canada en histoire comparée de la mémoire :
http://www.celat.ulaval.ca/histoire.memoire/appelpage3.htm

1 commentaire:

Tanja Barazon a dit…

Bonjour! Je suis ravie de voir que la "soglitude" vous parle! J'ai reçu un grand nombre de propositions de grande qualité pour le numéro, peut-être le lirez-vous quand il sera en ligne!