"Si tu es amer, plains-t'en." (proverbe gascon)

dimanche 12 octobre 2008

A louer


Croisé hier cours Victor-Hugo une camionnette sur quoi on pouvait lire en gros caractères : "Louez-moi". Ai goûté la franchise ambiguë de ce bel encouragement, que mon T-shirt aurait pu lui-même arborer en cette chaude après-midi d’été indien. Nul n’ignore en effet combien je suis "emprunté", au sens où les indigents de la chose publique récupèrent toutes mes idées, pour feindre l’imagination dont ils sont dépourvus. J’avoue volontiers ne pas rechigner par ailleurs aux louanges que mérite mon action dans la ville, en France et dans le monde. Qu’on me loue donc, du matin jusqu’aux urnes, puisque tel est mon destin ! Aux quelques revêches obtus qui s’y refusent, je conseille de s’occuper à la lecture de Marc-Aurèle, selon qui "l'émeraude ne perd pas de sa valeur faute de louanges". Je suis un Vert plein de carats.


Le chanoine paillard et la chancelière coincée à Colombey… On était bien loin hier du Général y accueillant Adenauer en cinquante-huit ! Le grand homme a dû se retourner dans sa tombe, à sentir trépigner si près de lui le petit fossoyeur du gaullisme. De tous points de vue, c’était un peu la rencontre incongrue de l’étalon avec les talonnettes; soyons francs, même des échasses n’y auraient rien changé ! Ma raideur en revanche eût été d'une autre allure, croyez-moi, tant pour inaugurer le mémorial que pour imposer mes remèdes à la crise. Mais, on le sait, l’acharnement des juges a détourné la marche de l’histoire et, en me contraignant à un humiliant exil, ils ont pris la lourde responsabilité d'un séisme financier planétaire. Qui, face à ce gouffre dans quoi la France s'abîme chaque jour davantage, oserait encore prétendre que nous avons la meilleure justice du monde ? Quel gâchis !


La lecture du Général m’a renvoyé à Machiavel, authentique Nicolas de la politique celui-là qui, je le sens, est toujours présent sous sa plume. J’offrirai un jour au prince Zébulon de la République le Discours sur la première décade de Tite-Live (plût au Ciel qu’il ne double pas lui-même un pitoyable lustre !). Il y lira, depuis son manège enchanté, que "ce n’est pas le titre qui honore l’homme, mais l’homme qui honore le titre". Cela dit, notre chanoine du Latran n’a pas besoin d’être pape pour faire des bulles, on le voit tous les jours, et il laisse aux médecins les ordonnances. Tenant du titre, il l'abaisse à sa hauteur pour mieux en jouir, et l’honore comme il le ferait d’une courtisane. Plus sensée que ses juges, la France reconnaîtra-t-elle enfin bientôt son Sauveur, dont la vive intelligence croupit indignement au fond d’une province méridionale ?


En attendant, pendant que le clone de Louis de Funès réunit son eurogroupe à Paris, je m’en vais traverser le fleuve à bicyclette avec Nisa, pour honorer avenue Thiers des étals de vin bourru et de saucisson, patrimoine culturel de notre région méprisé par une poignée de juges européens, au profit d’une infâme bouillabaisse. M’explique-ra-t-on un jour pourquoi, à chaque promesse d’ascension, des juges se mettent invariablement au travers de ma route ? Puissent les urnes empêcher demain que l’histoire se souvienne de moi comme la victime expiatoire d’une démocratie de prétoire !

_______________


P.S. Denise me fait promettre de ne pas me retourner sans cesse sur mon vélo, comme pour m’assurer que la péronnelle qui m’a volé mon siège n’est pas en selle derrière moi. Je n’y peux rien, c’est devenu une obsession. Est-ce donc parce qu’elle me prend pour un paon qu’elle est toujours dans ma roue ?

Aucun commentaire: